Plage
(PR) – « Endroit plat et bas d’un rivage où les vagues déferlent » : la définition du Robert est d’une banalité sans surprise. Mais alors, pourquoi parler de plage ? Vu la météo que nous connaissons actuellement, il n’est pas question de s’allonger en bord de mer pour se dorer au soleil… Pourtant, il y a quatre-vingts ans, le 6 juin 1944, des plages ont fait l’actualité et l’Histoire, avec l’opération « Overlord ». Beaucoup de ceux qui s’allongèrent alors sur celles de Nomandie ne se sont jamais relevés…
« Overlord », la plus fantastique opération de débarquement militaire jamais organisée, a rendu mondialement connues des plages qui, avant le 6 juin 1944, étaient le symbole des « congés payés » que le Front populaire de 1936 avait offert aux Français. Aux Parisiens, surtout : un peu plus de deux heures de train pour aller tremper leurs pieds dans la Manche. Auparavant, les « planches » de Deauville étaient réservées à une élite fortunée…
Après l’entrée en guerre des Etats-Unis en décembre 1941, Churchill et Roosevelt, lors d’une rencontre en janvier 1942 à Washington, décidèrent de venir à bout, en premier, du régime hitlérien. Pour cela, il fallait d’abord libérer la France, le principal pays du Vieux Continent qui avait été occupé par les troupes nazies. Une question s’est vite posée : comment et, donc, par où fallait-il commencer l’aventure ?
Car c’en était bien une, d’aventure, puisqu’il était question de débarquer dans la forteresse qu’Hitler avait ordonné à ses sbires d’édifier sur des milliers de kilomètres de côtes. Les Anglais, avec une forte participation de Canadiens, avaient lancé l’opération « Jubilee » en août 1942 pour tenter de s’emparer du port de Dieppe. Il s’agissait surtout de tester les capacités de réaction de l’armée allemande, ainsi que les techniques à utiliser pour débarquer.
Devant l’ampleur des pertes, Ils durent reprendre leurs plans et se dire que pour pouvoir débarquer une centaine de milliers d’hommes, mieux valait choisir un espace « ouvert » sur une certaine longueur. Sur une côte, cela s’appelle… des plages ! Sur la façade de la Manche comprise entre le Pas-de-Calais et Le Havre, pas beaucoup de plages, surtout des falaises, donc cette hypothèse fut vite abandonnée.
La Bretagne étant exclue parce que trop rocheuse, la côte normande était la seule solution envisageable : un ruban de plages sur une centaine de kilomètres, la protection du Cotentin, cette sorte de bras qui avait l’avantage de posséder un grand port en eau profonde, Cherbourg. Même si la distance depuis l’Angleterre était plus longue, sur le papier tout plaidait en faveur du choix de la Normandie.
Encore fallait-il, d’abord, qu’Hitler ne fasse pas les mêmes déductions et qu’il ne renforce pas plus encore le « mur de l’Atlantique » dans ce secteur. Heureusement, le maréchal Von Rundstedt, qui commandait le front ouest, penchait pour le Pas-de-Calais. Et les Alliés mirent au point « Fortitude », fantastique opération d’intoxication : des bombardements plus importants dans le Nord de la France, des regroupements d’engins factices bien visibles sur la côte est de l’Angleterre, et plein d’autres « astuces » pour laisser croire que l’invasion se ferait du côté de Calais – et il n’y avait pas de tunnel à l’époque…
Pendant ce temps, avec le concours de la Résistance française, les plages normandes furent scrutées de manière à ce que tout soit fait pour que le « débarquement » ait lieu le mieux possible, notamment en limitant les pertes humaines, afin de foncer plus vite vers le Reich en libérant la France. Juste retour de l’Histoire : c’est justement de ces plages normandes qu’était parti en 1066 « Guillaume le Conquérant » pour envahir… l’Angleterre !