Bédé
(PR) – « Abréviation familière de bande dessinée » nous dit le Larousse, qui ne s’appesantit pas plus sur ce « neuvième art » dont le grand festival annuel va se dérouler pour la cinquante-et-unième fois, à partir de ce jeudi 25 janvier, dans la bonne ville d’Angoulême. Un rendez-vous qui attire moins les foules que le Festival de Cannes, c’est évident ! Et pourtant, la bande dessinée s’est fait une place appréciable sur les rayons des libraires : en France, un livre sur quatre vendus est une « bédé » !
La « bédé » a une origine bien méconnue et pour le moins surprenante : c’est dans l’austère cité de Calvin, Genève, que vit le jour en 1799 Rodolphe Töpffer, un curieux personnage, fils d’Adam, un artiste un peu bohème. Estimant ne pas avoir les qualités de son père, Rodolphe dirige un petit pensionnat pour des jeunes gens, souvent étrangers (déjà…), pour lesquels il va essayer de développer des méthodes innovantes de pédagogie, basées notamment sur le dessin.
Après quelques essais, il publie, en 1833, une « Histoire de monsieur Jabot », inspirée du « Bourgeois Gentilhomme », où chaque dessin est accompagné de deux à trois lignes de textes. Il s’en explique dans la préface : « Les dessins, sans le texte, n’auraient qu’une signification obscure ; le texte, sans les dessins, ne signifierait rien. Le tout ensemble forme une sorte de roman d’autant plus original qu’il ne ressemble pas mieux à un roman qu’à autre chose. »
La « bédé » était née, mais il faudra attendre le début du XXe siècle pour qu’elle prenne vraiment son essor. Ce sera de l’autre côté de l’Atlantique, dans les jeunes Etats-Unis où la presse en plein développement va très vite donner de la place aux « comic strips ». Ces petites « bandes » vont progressivement se développer en différents formats, et même donner naissance à des revues spécialisés, destinées notamment à la jeunesse.
C’est à partir de là que des « héros » vont devenir mondialement connus, comme ce fut le cas pour « Superman », le premier du genre dont le nom devint même générique. En Europe, c’est en Belgique qu’allait « naître » le premier personnage universellement connu (celui dont le général De Gaulle disait qu’il était « son seul rival »), un journaliste atypique à la houppe blonde, Tintin, le premier « humain » à marcher sur la Lune, vingt-cinq ans avant Armstrong !
Un autre « héros » désormais du monde « bédéiste » est, bizarrement, un petit Gaulois aux ascendances « bigarrées » : son père créatif Goscinny, vient d’une famille juive issue de Pologne et d’Ukraine, son dessinateur, Uderzo, est le fils d’immigrés italiens. Le monde de la « bédé » se moque des frontières…
La preuve, c’est que, loin de notre Occident, un autre genre de « bédé » a vu le jour au début du siècle dernier, les « mangas ». Héritiers des fameuses « estampes japonaises », qui avaient un dessein artistique, ces « bédés » nippones se caractérisent par leur réalisation en noir et blanc. Ils sont sortis depuis quelques décennies de l’archipel, et ont largement conquis le marché occidental.
Hugo Pratt, le « père » de l’inoubliable Corto Maltese, avait une façon bien à lui de définir la « bédé » : « La bande dessinée, c’est comme le cinéma, même si c’est un cinéma de pauvres… »
Les pauvres, en tout cas, ce ne sont pas les éditeurs : un album d’Astérix se vend à plus d’un million d’exemplaires dès sa sortie, et il faut ensuite ajouter les traductions, dans 107 langues et dialectes… Une autre preuve du rôle que joue la « bédé » est qu’on a tous en tête des expressions ou des répliques devenues « cultes », de « Ils sont fous ces Romains !» à « Mille sabords !». Et c’est valable de 7 à 77 ans !